Il s’est écoulé un mois, un putain de long mois depuis qu’Holly a décidé de couper les ponts une seconde fois. Je suis sorti de chez elle peiné, je voulais toujours la récupérer, mais je voulais lui laisser du temps, bien que depuis sept mois, elle l’a eu le temps. Je commence à m’impatienter, mais je l’aime toujours, donc je ne fais qu’attendre. 

Je n’ai pas fait grand-chose ce dernier mois, en réalité, j’étais plutôt démoralisé, je paraissais joyeux les ¾ du temps, mais une fois passer le pas de la porte, je redevenais ce moins-que-rien qui l’attendait. Est-ce qu’elle reviendra seulement un jour ? Je finis par me le demander, mais je ne veux pas perdre espoir, c’est surement mon défaut. 

Concrètement, j’avais besoin de me bouger, besoin d’aventure, je ne pouvais plus être cet homme renfermé sur lui-même. Et comme un signe, ce matin-là, quelqu’un que je connaissais bien était en train de gratter à ma porte. J’ai ouvert et il est entré en courant jusque dans la cuisine. En voilà un qui n’a pas oublié les bonnes vieilles habitudes.

- Salut toi, dis-moi, est-ce que ta maîtresse sait que tu te balades encore dans le coin ? Je ne crois pas moi ! 

Il miaule, comme pour me répondre, je lui verse des croquettes qui me restait et tout en ronronnant, il mange. J’attrape le portable dans ma poche arrière et j’ouvre l’application des contacts, je cherche Nyx, en pensant à elle une pointe se fait sentir dans ma poitrine. Les sonneries retentissent. Sa jolie voix me surprend au bout de deux sonneries.

- Seth ?

Elle sait déjà que c’est moi, elle a aussi enregistré mon numéro dans son répertoire, je ne sais pas si je dois trouver ça étrange, vu que j’ai fait exactement la même chose.

- Bonjour Nyx ! Je crois que j’ai quelque chose qui t’appartient à la maison !

- Tu as encore retrouvé Nougat, mon dieu, ça fait une semaine qu’il est parti…

- Il va bien ! Il est en train de manger ! Tu veux que je te le ramène ? 

On ne s’est parlé qu’une seule fois, et c’est comme si nous nous connaissions depuis des millénaires. Elle hésite avant de me répondre, comme si quelque chose l'a dérangé.

- C’est comme tu veux Nyx, tu peux passer le chercher si tu préfères ?

- Non, non, c’est bon, passes, mais pas longtemps…

- Très bien, je suis là dans quelques minutes.

- À toute suite.

Je raccroche, Nyx est semblé passer de « joyeuse d’avoir retrouvé son chat » à « petit animal apeuré », ce n’est quand même pas moi qui lui fait ça ? Pas le temps d’aller chercher de caisse de transport cette fois-ci.

- Tu n’as pas intérêt d’abîmer ma voiture, ou tu vas finir en sushi !

Je plaisante, évidemment. Mais je préfèrerais qu’il ne détériore pas ma caisse ! Je l’attrape et le mets sur la banquette arrière, heureusement elle habite juste à côté, c’est à 15 minutes en roulant tranquille, et je vais rouler tranquille au cas où. 

Nougat dans les bras, j'arrive chez Nyx, elle est déjà dehors, aujourd’hui ses cheveux sont rose, elle semblait regarder au loin chaque fois, comme si elle attendait quelque chose ou quelqu’un, mais ce n’est pas moi, elle est soucieuse, elle est bizarre.

- Salut ! 

- Salut ! Merci encore !

- Pas de quoi ! Tu es sûre que tu vas bien ?

- Oui, oui…

Elle relève ses yeux vers moi, ils sont violets, ce n’est pas une couleur naturelle, elle utilise des lentilles, je ne peux m’empêcher de la regarder, je suis sûr de l’avoir déjà vu !

- Quoi ? Pourquoi tu me regardes encore comme ça ? 

- On s’est déjà vu ?

- Oui, il y a un mois !

- Non, avant ça, on s’est déjà vu quelque part.

- Putain, je vois trop de visages pour me souvenir.

Ah son « putain » je l’ai reconnu, ma jolie fille vulgaire, je n’avais pas plus prêté attention la dernière fois, mais là, ça y est les morceaux du puzzle s’emboitent parfaitement. Cette fille, c’est la petite livreuse malpolie et aujourd’hui, les cheveux roses me rappelle la vulgaire petite chose que j’ai bousculé il y a deux mois. Je n’ai pas pour habitude de croiser des gens aussi particuliers, ma mémoire d’éléphant fait le reste. 

- C’est toi !

- Quoi moi ?

- La petite livreuse malpolie ! 

- Monsieur politesse ? Mais oui, monsieur politesse !!

- Je savais que je t’avais déjà vu ! 

- C’est peut-être le destin !

Elle est souriante, j’aime bien la voir comme ça, on est soudain interrompu par une grosse voix qui s’approche de nous.

- Nyx !

- Putain.

Elle perd son sourire et marmonne une insulte, je me tourne pour découvrir le mec qui sent les embrouilles à 3km. Le même que la dernière fois, il semblerait. Il se met derrière elle et lui tient les bras assez fermement.

- Bonjour.

Il ne se donne même pas la peine de me répondre, Nyx sourit faussement, je ne vais pas m’attarder et pourtant, j’ai envie de lui refaire le portrait à ce con.

- Merci d’avoir ramené Nougat. Au revoir.

- Au revoir.

Elle est soudain distante, j’ai envie de lui demander si ça va aller, mais j’ai peur de provoquer un ouragan en posant simplement cette question alors je tourne les talons et retourne à ma voiture.

Quand j’arrive à mon emplacement, je ne peux m’empêcher de repenser à Nyx, et si jamais il lui avait fait du mal ? Il a bien le physique du mec capable de faire ça. J’attrape mon téléphone en sortant de la voiture et je tape rapidement mon adresse suivi de la mention « si tu as besoin, n’hésite pas » et je lui envoie. Je ne sais pas pourquoi je me sens aussi protecteur d’un coup, mais j’ai besoin de faire ça pour elle.

Elle ne répondra jamais à mon message, mais en même temps à quoi je m’attendais, je la connais à peine cette fille. C’est normal. Cela dit, je me sens quand même blessé. 

La semaine suivante, en rentrant de ma balade du soir avec Aïko, c’est ma voisine que je retrouve sur un banc, assise, seule et triste.

- Salut !

Je la surprends, elle sursaute légèrement. 

- Oh salut Seth !

- Tu vas bien ?

- Oui… 

Elle marque une brève pause, soupire puis se reprend.

- Non, en fait non, ça ne va pas très bien.

- Où sont les enfants ?

- À la maison, avec Olympe, leur nounou.

- Bien, viens à la maison !

Elle sourit timidement, puis se lève pour accepter mon invitation. Je ne vais quand même pas la laisser là, toute seule et désemparée. Elle marche si près de moi, dans un silence pesant. Je me demande bien ce qui tracasse cette femme qui est d’un naturel si joyeux.

Je la fais entrer et la dirige dans le salon. Elle semble toute timide, elle est pourtant plus âgée que moi, mais par contre très bien conservé, c’est vrai. 

- Tu veux un peu d’eau ? 

- Oui, s’il te plait.

Je disparais dans la cuisine, pendant qu’elle s’avance vers le canapé. Je sors deux verres et les remplis d’eau fraîche. Quand je reviens près d’elle, elle est assise, perdue dans ses pensées.

- Tiens.

- Merci !

- Alors vous avez changé de nounou ? Ce n’était pas Mélissandre la dernière fois ?

- Oh si, mais elle a déménagé avec sa petite famille. C’est Alan qui a choisi Olympe, il a dit que nos enfants seraient en sécurité avec elle. Elle a un petit garçon de l’âge d’Andrew, elle est très belle, mais elle est un peu spéciale…

Elle termine sa tirade en chuchotant presque, comme si elle pouvait nous entendre d’ici, je ne peux m’empêcher de laisser sortir un petit rire. 

Elle lève un sourcil interrogateur vers moi, puis se met à rire elle aussi, j’aime mieux ça, la voir souriante, mais je veux savoir ce qui la tracasse.