Je suis assis sur un banc, surveillant Liya et Aïko qui se court après. Liya rit si fort que je rigole à mon tour, elle est essoufflée, ce qui ne semble pas être le cas du chien. Elle s’assoit à mes côtés pour se calmer, Aïko vient la chercher, je rouspète légèrement pour qu’elle comprenne que Liya n’a plus envie de jouer pour l’instant. Puis au bout d’un instant, après avoir repris son souffle elle me demande.

- Dis tonton, pourquoi j’ai vu tatie Holly passer devant la maison ?

Ce n’est pas le genre de question que j’attendais de la part de ma nièce, elle me prend de court, je la regarde, elle me regarde puis je lance :

- Elle est juste passée voir Aïko ! 

Elle semble satisfaite de la réponse, je pousse un soupir de soulagement, peut-être trop rapide quand elle continue à dire :

- Mais, alors pourquoi est-ce qu’elle pleurait ?

Sa question me brise le cœur. J’étais sûr qu’Holly disait la vérité en me déclarant que c’était seulement l’alcool qui l’avait rendu à fleur de peau, je me sens comme un putain de connard qui s’est laissé guider par sa queue maintenant. Je ne sais même pas quoi répondre à ma nièce, qui reprend tout de suite après ses questions.

- Et pourquoi t’es plus avec tatie Holly ? 

De pire en pire ses demandes ! Elle va m’achever sur place. Pourquoi les enfants grandissent si vite ? C’est tellement difficile de leur faire garder leur innocence. Je soupire avant de répondre.

- Tu sais, ma chérie, parfois la vie des adultes c’est un peu compliqué…des fois on ne s’entend plus, on n’attend pas les mêmes choses de la vie… ce qui nous fait prendre des chemins différents…

Je réponds du mieux que je peux, mais je n’étais pas du tout préparé à avoir ce genre d’interrogatoire venant de Liya. Et pour la première fois, j’exprime à haute voix, des conséquences qui font qu’on ait dû se séparer. Je me sens mal, comme gelé de l’intérieur. 

- Ah d’accord, …

Elle répond, à demi convaincu par ma réponse, semble réfléchir encore, et je me demande si elle va encore me poser une question qui va me faire me sentir comme un minable.

- Mais toi, tonton, tu l’aimes tatie ? Non ?

Grand dieu, je pense qu’elle ne pouvait pas me poser une question pire que celle-ci. Je ne sais même pas quoi répondre. Je suis pétrifié et Liya souhaite une réponse en me regardant fixement. 

- C’est juste,… compliqué Liya, d’accord ?

- D’accord !

- Si on rentrait, manger des crêpes avant que maman vienne te chercher ? 

- Ah ouai, cool !!!

Je me lève, content d’en avoir fini avec cette discussion qui me mettait mal à l’aise, j’appelle Aïko et nous rentrons. Je prépare lesdites crêpes à Liya et nous attendons que Kathy vienne la récupérer. J’espère revoir ma nièce bientôt pour profiter un peu plus de sa présence. 

Lundi matin, à la pose de 10h, celle où l’on se retrouve devant la machine à café, se fait sans moi, je reste dans mon bureau, concentré sur mes papiers et surtout, car je n’ai pas envie de raconter à Steven et Greg mon aventure de samedi soir, mais c’était voué à l’échec quand ils ont débarqué dans la pièce comme deux boulets de canon.

- Alors ! Qu’est-ce que tu fous ? lance Steven, on t’attendait ! Greg était en train de me raconter comment il s’est tapé Wonder Woman l’autre soir ! 

Sans attendre de réponse de ma part, Greg recommence son récit, il rougit un peu, il n’est pas habitué à ce genre d’échange, c’est plutôt le genre de Steven, quant à moi, ça ne m’est pas arrivé depuis Holly.

- Et toi alors ? demande Greg à mon intention.

- Oh, ben, rien de spécial…

- Te fous pas de notre gueule, on t’a tous les deux vu quitter le club avec une Harley Quinn ! 

Merde. Je dois me décomposer comme un con. Je reste silencieux un temps puis je finis par avouer entre mes dents.

- C’était Holly.

- Quoi ? 

Ils ont l’air tous les deux sur le cul. Je répète plus fort pour qu’ils comprennent bien qu’ils ont parfaitement entendu la première fois.

- C’était Holly !

- Genre Holly, ton ex ? demande Greg.

- Bien sûr son ex, crétin, t’en connais beaucoup des Holly toi ?! lui lance Steven, et alors t’as couché avec elle ? demande-t-il à mon intention.

- On est obligé de faire ça ?

- Un peu, qu’on est obligé, t’as couché avec donc ! Tu m’épates Seth !

- Il n’y a rien de glorieux là-dedans Steven, ok, je me sens plutôt mal d’avoir fait ça et j’ai pas envie d’en parler.

- Bien, comme tu veux, mec.

- Maintenant, si ça ne vous dérange pas, j’aimerais avancer sur mes dossiers, on se verra pour déjeuner.

Les deux hommes quittent mon bureau sur ma demande. Je m’arrête un instant, du coup, je pensais déjà à elle avant, mais maintenant, c’est encore pire… J’ai envie de la revoir, mais je sais très bien que ce n’est pas la chose à faire du tout, autant pour elle que pour moi… J’attrape mon portable, j’ouvre l’application des messages et je chercher Holly, je reste plusieurs minutes les doigts au-dessus du clavier, puis je finis par tout fermer. 

Je replonge dans mon boulot et j’évite de penser à elle, enfin, j’essaie, je n’ai même pas maté une seule fois Chloé, et pourtant vu ses formes généreuses et sa tenue aujourd’hui, il y aurait de quoi… mais je pense inlassablement à Holly. Au fait qu’elle était malheureuse en sortant de la maison, et que je l’ai laissé partir sans m’inquiéter d’avantage. 

- Putain !

Je lâche un juron à haute voix en jetant mon stylo sur le bureau. Je me reprends et continu jusqu’à midi. Mes amis ont compris que je n’avais vraiment pas envie d’évoquer cet épisode de samedi, ils ont compris que je n’étais pas d’humeur loquace non plus, puisqu’ils ne me posent que quelques rares questions et préfère faire comme si j’étais invisible. Je ne vais pas les blâmer pour ça, c’est justement le comportement que j’attendais d’eux aujourd’hui, un peu de paix. 

La fin de la journée se termine quand Chloé entre pour me signaler qu’elle quitte la tour, je lève le nez de mes papiers et lui souhaite une bonne soirée. J’en ai plein le cul ce soir, je me casse aussi, le reste attendra demain matin. 

Quand j’arrive à la maison, le mystérieux chat m’attend devant la porte. Je me demande à qui il peut bien appartenir, et surtout pourquoi est-ce qu’il vient toujours chez moi !

- Encore toi matou ? Je vais finir par t’adopter si tu continu comme ça !

Le chat me répond d’un miaulement et vient pour que je le caresse, ce que je fais. Il ronronne, je trouve ça apaisant. J’ouvre la porte et Aïko vient saluer son copain aussi, je laisse le chien et le chat entrer dans la maison et je leur sers des croquettes. Je vais dans la cuisine et ouvre une bière, j’en ai besoin, j’attrape mon téléphone, principalement pour voir si elle ne m’a pas écrit, mais évidemment que non, à quoi je m’attendais ? Elle doit me détester maintenant. Je pose ma bière et je monte, j’ai besoin de prendre une douche bien longue.

Après plusieurs minutes sous le jet d’eau, à me détendre, je sors, une serviette autour de la taille. Le chien couine et aboie doucement en direction du lit.

- Qu’est-ce qu’il t’arrive ma grande ?

Aïko continu d’aboyer, je me baisse pour regarder, elle cherche juste sa balle qu’elle a dû faire glisser sous le lit. Sacrée Aïko. Une masse noire attire mon regard au pied du lit, je donne la balle au chien et profite qu’elle s’en aille pour me glisser vers l’amas, je l’attrape et je me rends compte que c’est le déguisement d’Holly. Mon sang ne fait qu’un tour en repensant à notre nuit, à notre réveil, sa façon de gémir, sa façon de se serrer autour de moi à l’approche d’un orgasme. Je secoue la tête, ce n’est pas le moment de penser à ça, et pourtant ça me fait des frissons le long de la colonne vertébrale, je commence même à bander. Quel putain de trou du cul je fais sérieusement. Je sens son costume, derrière l’odeur de soirée, alcool et tabac, se dégage une odeur de vanille, comme Holly. 

Je retourne dans la salle de bain et je jette se costume dans la panière de linge sale. Je m’habille et je descends mettre une machine en route. Quand je suis de retour dans la cuisine, je prends ma bière et la termine cul-sec. J’attrape mon portable, dans les messages, je recherche et j’ouvre la fenêtre d’Holly, j’hésite un instant, puis je finis par écrire, je ne sais pas comment tourner ma phrase, sans paraître trop intime, trop froid ou trop distant… je reste bloqué sur ce message de merde pendant dix minutes, je finis par fermer l’application puis j’ouvre le mode téléphone, je tape le numéro sur le clavier et après avoir soufflé, j’appuie pour lancer l’appel. Quand ça commence à sonner, je me demande ce que je suis en train de faire, mais je ne vais pas raccrocher maintenant, putain Seth, porte tes couilles et arrête de faire le con. J’attends quelques secondes avant que la sonnerie finisse par s’arrêter.