Mon cœur s’arrête l’espace d’un instant, je me prépare à l’entendre parler, en sachant pertinemment qu’elle sait déjà que c’est moi. J’inspire une dernière fois et une petite voix enjouée parvient à mes oreilles.

- Salut, vous êtes bien sur le portable de Holly, je ne suis pas dispo pour l’instant, mais vous pouvez laisser un p’tit message et je vous rappellerai ! 

Par contre, je ne m’attendais pas à tomber sur son répondeur, est-ce qu’elle n’a pas voulu répondre en voyant que c’était moi ? Est-ce qu’elle est fâchée contre moi ? Pourtant, elle a surement fait exprès de laisser son costume ici. Je pense à toute vitesse et c’est à moi de laisser un message.

- Euh, salut Holly,… c’est Seth, enfin t’as dû le voir, je… j’espère que tu vas bien ? C’était juste pour…euh…te dire que tu avais oublié ton costume ici… tu… si tu veux passer le récupérer…passe-moi un coup de fil avant. Bien… passe une bonne soirée, je t’embrasse.

Je raccroche rapidement. PI-TOY-ABLE. Putain, j’ai eu l’air d’un ado bégayant, tout ça parce que j’aime encore cette femme et que j’essaie de prouver le contraire. Je n’ai pas envie d’y penser, je n’ai pas envie de me souvenir. Je pose le portable et je me prépare un truc à grignoter avant d’aller me vautrer dans mon canapé et d’entamer une bonne nuit en espérant qu’elle me rappelle.

J’ai passé ma semaine fixé à mon portable attendant un appel, même un petit message de la part d’Holly, et rien… c’est le silence radio, je ne peux pas lui en vouloir, et je ne peux pas la harceler, donc j’attends, c’est ce que je peux faire de mieux pour elle, pour moi, pour nous. Ce samedi matin, alors que je promène Aïko, pensant inlassablement à Holly, mon regard est attiré par un morceau de papier avec une photo. Il est écrit « Avis de recherche, perdu chat beige avec un cœur discret au niveau du cou, répondant au nom de Nougat. Si vous me voyez, merci d’appeler ma maîtresse qui s’inquiète pour moi. Récompense à la clef ».

Avec la photo aucun doute, Nougat, voilà donc le nom de mon matou, et il appartient bien à quelqu’un, quelqu’un qui s’inquiète visiblement. Je prends la feuille et la fourre dans ma poche.

Nous passons devant la clinique d’Ady, elle est dehors et m’interpelle.

- Seth !!

- Salut Ady, ça va ?

- Très bien et toi ?

- On fait aller ! 

- Dis, je prépare un petit repas ce soir, est-ce que ça te dit de venir ? J’ai invité Jess et son mari aussi.

- Oui, bien sûr Ady, tu peux compter sur moi !

- Génial, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas retrouvé devant un repas ! 

- À ce soir alors !

- À ce soir !

Elle dépose un baiser sur ma joue, elle a l’air…heureuse, plus heureuse que d’habitude ! J’aime la voir comme ça ! Je continu mon chemin et rentre à la maison en espérant retrouver Nougat devant la porte, mais il n’en est rien. 

J’attends toujours qu’Holly me rappelle, je commence à me dire que j’attends pour rien, peut-être qu’elle ne veut plus entendre parler de moi finalement. Tout ça serait tellement plus simple si elle était un peu plus âgée et qu’elle avait les mêmes envies que moi… malheureusement ce n’est pas le cas. 

Je sens la pression monter en moi, je monte enfiler un jogging, j’enfile mes gants de boxe et je commence à donner des coups sur le punching-ball, je pense aux moments où j’étais heureux avec elle, je repense à moi, la baisant, sous la douche, sur les meubles, dans chaque putain de recoin de la maison, je repense à elle, plus souriante que jamais, à son rire, je repense à elle m’exaspérant, je repense à elle en colère quand je ne mettais pas mon linge sale dans la panière, je repense à notre dernière dispute.

J’étais dans le canapé en train de regarder un match et elle est entrée dans la pièce à moitié habillé, dans la seconde le match était le dernier de mes soucis, elle était là, à moi, belle comme jamais, elle s’était arrêté et je continuais à regarder son corps.

- Ben ça va, je ne te dérange pas ?!

- Viens par-là petite friandise ! 

Elle rigolait doucement en venant vers moi, je l’ai fait basculer sur mes jambes, elle était encore plus belle, je caressais amoureusement son visage, me dire qu’elle était à moi me rendait fou, fou d’elle de jour en jour, malgré tous ses petits défauts. Elle m’a déposait un baiser, doux et tendre, j’ai voulu aller plus loin en passant ma langue entre ses lèvres, elle s’est laissé faire et j’ai lâché une bombe que je regrette aujourd’hui.

- Donne-moi un enfant ! 

Elle s’est arrêté net, elle m’a lancé un regard que je n’oublierais jamais, elle avait peur, elle était triste, elle était en colère, j’ai lu tout ça dans ses yeux gris.

- Quoi ?

- Désolé, j’ai mal tourné ma phrase, si on faisait un bébé ?

- J’avais compris Seth, mais pourquoi ?

- Comment ça pourquoi ? 

- Pourquoi tu me demandes ça ? Maintenant ?

- Parce que je t’aime et que j’ai envie de fonder une famille avec toi Holly.

Elle s’est levée, quittant mes jambes et laissant un froid entre nous, un froid qui s’engouffrait en moi lentement, mais sûrement.

- Mais, je… je ne peux pas Seth…

- Comment ça, tu ne peux pas ?

- Je ne veux pas…

- D’accord, c’est encore trop tôt pour toi, ce n’est pas grave Holly.

- Non, Seth, tu ne comprends pas, je ne veux pas… jamais.

Mon cœur s’est serré, je pensais qu’il allait exploser de douleur. Elle était en train de tuer mes rêves d’avenir avec elle petit à petit. 

- Pourquoi ?

- …

- Pourquoi Holly ?

- Voir mon corps changer, avoir un étranger en moi… être une mère, ce n’est pas pour moi…et puis tu ne me regarderas plus jamais de la même façon…

- Mais Holly, je t’aimerais toujours, même si ton corps change, et je serais là pour toi, tu ne seras jamais seule et c’est sûr que je ne te regarderais plus de la même façon, tu ne seras plus seulement Holly, tu seras la femme que j’aime, mais aussi la mère de mon enfant.

- Mais je ne veux pas Seth...

- Pourquoi ? Pourquoi tu me fais ça Holly ? Pourquoi maintenant ?

- Je suis désolée…

- Putain, pourquoi je me suis fait chier avec une gamine comme toi, tu es nombriliste Holly, il n’y a que ta petite personne qui compte, 6 ans, Holly, putain 6 ans… tu me dis un truc comme ça au bout de 6 ans… je supporte tes caprices parce que je t’aime Holly, mais j’en ai plein le cul… j’ai 32 ans, tu crois que je vais patienter éternellement ? 

- Je suis désolée…

- Désolée, c’est tout ce que tu sais dire ? Putain, je suis fou…

- Où tu vas Seth ?

- Faire un tour pour me calmer, c’est pas la peine de m’attendre.

Puis je suis sorti en claquant la porte, j’ai commencé à courir pour éliminer les tensions, mais j’avais toujours terriblement la rage… l’impression d’avoir perdu mon temps avec elle, alors que merde, je l’aime cette fille… J’ai fini, ce soir-là, par me retrouver chez Steven, à déballer mon sac et enchaînant verre sur verre… Holly m’a appelé 34 fois cette nuit-là, 34 putains de fois sans jamais laisser de messages. 

Quand je suis rentré, le lendemain matin, elle m’attendait dans le canapé du salon, une petite moue, les yeux rougis et gonflés par les larmes, une tasse fumante devant elle. J’allais lui dire que j’étais désolé pour mes mots, mais elle a pris la parole avant moi, coupant court à mes intentions.

- Je suis désolée, Seth, je crois… je crois qu’on devrait se rendre à l’évidence, tu attends des choses que je ne pourrais jamais t’offrir… il serait temps pour toi de trouver quelqu’un fait pour toi…

Elle m’avait coupé l’herbe sous le pied. Je suis resté planté là comme un con à l’écouter me quitter puis le seul truc que j’ai trouvé à dire était totalement impulsif et irréfléchi.

- Je crois que tu as raison Holly…

Elle s’est levée et a attrapé un sac qu’elle avait posé dans un coin puis elle a embrassé ma joue avant de partir. C’est comme ça qu’on s’est quitté d’un commun accord, mais elle semblait plus d’accord que moi. Moi la grande gueule, j’ai laissé filer une fille que j’avais dans la peau comme un blaireau et aujourd’hui, six mois après, je m’en mords les doigts parce qu’elle ne donne pas signe de vie depuis notre rencontre inopinée. 

Je continu de frapper ce punching-ball, jusqu’à ce que le souvenir d’Holly s’efface peu à peu de la surface pour laisser place à un peu de paix au creux de mon cerveau.